Le peintre Ucelay réalisa « Danses Souletines » en 1955/56, c’est-à-dire, cinq ans après l’ouverture de l’Academia et presque six ans après le retour de son exil en Angleterre. L’origine de ce tableau se trouve au moment où Ucelay illustre le Guide du Pays Basque de Baroja, c’est alors qu’il s’aperçoit des possibilités qu’offre un groupe de dantzaris de Zuberoa. Ucelay réduit la mascarade souletine à cinq personnages, les plus importants et les plus majestueux.
Au premier plan, les instruments musicaux : l’accordéon, l’albota, le txun-txun, et la txirula, ces deux derniers sont typiques de cette danse et en général de cette partie du Pays Basque français. Il y apparaît aussi, un verre de vin pour la godaletdantza ou danse du verre.
Néanmoins, les tableaux d’Ucelay ainsi que les Ballets Olaeta, qui ont posé pour le peintre, échappent au folklore propre à la peinture basque. Flores Kaperotxipi pourrait être le meilleur représentant des critiques faites à l’encontre d’Ucelay, on lui reprochait de ne pas peindre des paysans de calendrier ou des types populaires, « ses personnages basques ressemblent à des aristocrates anglais habillés en paysans basques, alors qu’elles sont représentées comme des petites duchesses d’Alba ». Celui qui a interprété « le basquisme » de Ucelay et la représentation du monde qui entoure le peintre a été le poète et diplomate Ramón de Basterra quand il affirme que Ucelay est « la libération de l’ethnographie ». Víctor Olaeta a également représenté la libération de l’ethnographie avec ses chorégraphies originales.
En arrivant en France, l’une des grandes contributions de Segundo de Olaeta au folklore basque fut la espata dantza, danse guerrière tombée dans l’oubli que le maître enseigne et transmet. D’autre part, son séjour en France l’aida à poursuivre ses recherches et à étudier les danses d’Iparralde, comme les danses souletines et la gabota.
La famille Olaeta vécut, depuis toujours, immergée dans le monde artistique. La correspondance écrite avec des musiciens du niveau de Guridi, du Père Donosti, Arambarri et Sorozabal ; le contact direct avec des peintres tels que José María Ucelay ou Antonio de Guezala ; les livrets de Manuel de la Sota et la mise en scène de son neveu Eduardo de la Sota, les dessins et créations de Ramos Uranga et d’Esquibel, les photographies de Maura et de Lara…
Il convient de signaler quelques curiosités comme la présentation des Ballets Olaeta par Humphrey Bogart et Lauren Bacall durant une croisière lors d’un voyage en Amérique, ou bien leur relation avec les acteurs de West Side Story pendant la troisième tournée américaine. Les Olaeta tissent de solides relations avec tous les protagonistes du monde de la danse, comme par exemple Roland Petit ou Igor Moiseyev, lequel s’est inspiré des pas de danse basques pour les Ballets Russes après avoir assisté à une représentation privée des Ballets Olaeta. Nureyev et Margot Fontaine répétaient tous les jours à l’Academia durant la tournée de 1968.
Cet esprit perdure encore de nos jours et pour la diffusion du legs des Ballets Olaeta, nous avons l’honneur de compter sur des artistes de la renommée du sculpteur Nestor Basterrechea, du réalisateur Pedro Olea, José Ibarrola et Kosme Barañano entre autres.
Les fonds visuels des Ballets Olaeta se composent d’un ensemble de films très variés, en 8 mm, en super 8, Vidéo 8, VHS, Betamax, et Betacam. L’origine de ces fonds provient du recueil de films réalisé par les frères Olaeta eux-mêmes lors de leurs voyages et représentations mais également des enregistrements de ballets classiques qui sont utilisés comme source d’inspiration pour la création de leurs chorégraphies. Ces fonds se sont enrichis de la donation désintéressée de films d’anciens élèves de l’Academia et de producteurs de télévision.
Les fonds ont été numérisés par la Filmoteca Vasca, laquelle conservera les originaux, les 130 DVD que nous avons sélectionnés sont en cours de catalogage.
Il faut souligner le film « Elai-Alai » de Nemesio Sobrevila, les enregistrements réalisés au château de Bry-sur-Marne durant l’exil français, de brèves images des tournées et quelques productions de télévision.
Avec ces fonds documentaires ont été élaborés les 4 courts-métrages que l’on peut voir dans la salle des audiovisuels de l’exposition. Actuellement le documentaire: « Olaeta, une vie en danse », dirigé par Pedro Olea, film produit par IDEM Production Audiovisuelle, est encours de tournage.
La collection de costumes se compose de 700 pièces, qui ont été confectionnées entre 1920 et 2005 à Paris et à Bilbao. Il y a des costumes d'une valeur incalculable, soit d'un point de vue historique, soit par les tissus utilisés, (soies, velours, organdi, lainages, fourrures...), mais également par leur dessin et leur confection.
Dans cette curieuse collection de costumes, on y trouve des tutus, des costumes folkloriques très stylisés ou des versions plus modernes pour ceux qui s'inspirent des traditions moyenâgeuses, de la Renaissance et du XIX siècle. Les chaussures viennent compléter la collection, il y a des chaussons, des pointes et des demi-pointes, certains ayant été fabriqués à Paris.
Les accessoires méritent une mention spéciale, il y a de beaux parasols, des chapeaux, des paniers, des épées, une caixa, des chisteras de cesta-punta et des compléments pour les ballets souletins.
Bien qu'ils appartiennent à la section documentaire, ici nous incluons la partie la plus artistique de la collection, dont la valeur historique et ethnographique reste encore à déterminer. Il s'agit des originaux artistiques des chorégraphies et des costumes. Cette section comprend environ 80 originaux artistiques d'une grande beauté, élaborés en gouache, en détrempe, à l'aquarelle et à l'encre, ils ont été principalement réalisés par Manuel Esquibel, Eduardo de la Sota et Dorita Roda. La créativité et l'innovation avec laquelle ils ont habillé les danseurs de plusieurs générations, mérite un chapitre et des éloges à part.
Les fonds documentaires contiennent des affiches, des imprimés mineurs et des programmes, la photothèque, les archives de presse et l'hémérothèque, la documentation et les originaux des chorégraphies ainsi que les dessins des costumes.
Dans la collection de photos, il y a environ 2000 épreuves en noir et blanc et en couleur, ainsi que des négatifs sur support en verre en plusieurs formats, tous reflètent le devenir des Ballets depuis les années 40 jusqu'à nos jours.
Les archives de presse et l'hémérothèque, depuis 1938 jusqu'à 2000, comprennent un millier d'articles extraits de publications périodiques espagnoles, françaises et américaines, (Euzko Deya, La Gaceta del Norte, Hierro, El Correo Español, La Croix, La Dépêche, Sud-Ouest, l'Aube, Euzkadi, etc.), mais également des interviews, des annonces et les programmations.
Les archives documentaires comportent la documentation entre 1926 et 2006, avec un millier de pièces environ. Dans cet ensemble, il y a d'une part, les documents relatifs à l'activité économique et sociétaire des Ballets Olaeta, et d'autre part un chapitre très intéressant sur la correspondance entretenue entre les membres de la famille avec des personnalités diverses de la culture de l'époque (Guridi, le Père Donosti, Ucelay, Severo Altube, la Sociedad Coral de Bilbao, le Président de la Diputación Foral de Bizkaia, le Ministère de la Culture française, etc.).
Les livrets sont aussi très importants ainsi que les chorégraphies et les annotations des pas de danse. Il faut évoquer le petit Dictionnaire Basque de la Danse élaboré par Lide de Olaeta, qui traduit en euskera les pas de ballet classique en y apportant quelques innovations. Finalement il convient de mentionner toute la documentation relative aux tournées aux Etats-Unis et au Canada, leur planification, les programmes et la correspondance.
Tous les documents relatifs aux spectacles sont conservés dans le Département de Musique des fonds patrimoniaux des Ballets Olaeta. L’organisation et la conservation de ces archives correspondent parfaitement à la dynamique d’entreprise des Ballets Olaeta.
Víctor Olaeta conserva toutes ses archives avec soin et discernement et ce grâce à sa formation professionnelle de danseur et de musicien.
Les fonds de ce département découvrent, de manière très détaillée, les activités de Segundo Olaeta et de son groupe Elai-Alai. Il faut souligner la grande proportion de musique chorale.
Une partie importante de ces fonds est composée de musique pour bandes de musiciens, en relation avec les activités des Olaeta, le père et le fils en tant que directeurs de ce type d’ensembles instrumentaux.
Les deux sortes de documents de ce département, partitions, et enregistrements, décrivent les représentations des Ballets Olaeta, bien que ce soit d’une manière différente : d’une part, les partitions précisent la forme musicale et chorégraphique avant les représentations ; d’autre part, les enregistrements déterminent les aspects sonores pour leur conservation et pour une évaluation ultérieure.
Ces fonds témoignent de l’intense collaboration avec les meilleurs compositeurs du Pays Basque tels que Guridi, Franco, Escudero, Arámbarri, le Père Donostia, Olaizola ou Zubizarreta.
Les enregistrements réalisés lors de la tournée aux Etats-Unis confirment le travail des Ballets Olaeta et des musiciens qui les accompagnaient, (le txistulari Boni, le trikitilari Julio Fernández et l’albokari Txilinbrin), ils furent les ambassadeurs culturels du Pays Basque.
Les fonds révèlent également l’introduction de la danse classique en Pays Basque, mais non seulement le répertoire le plus connu du XIXe et XXe siècles, avec des compositions de Chopin, Tchaïkovski, Delibes, Strauss et autres, ils mettent aussi en évidence les différentes périodes depuis le XVIIe siècle avec par exemple, des compositions de Lully et de Rameau ainsi que les menuets du XVIIIe siècle.
Les partitions d’opéra montrent la participation des Ballets Olaeta dans les grandes productions du théâtre lyrique, soit avec des compositeurs basques, tels que Guridi avec Amaya, Escudero avec Zigor, et bien d’autres compositeurs universels : Mozart, Donizetti, Verdi, Gounod ou Bizet.
En mars 2008, la famille Olaeta décide de faire donation de son Legs à la Diputación Foral de Biscaye et ce afin de préserver et de diffuser l’immense richesse culturelle réunie tout au long de 80 ans d’activité artistique. Le 11 décembre de la même année, lors d’un acte émouvant et symbolique, le Legs est accepté par la Diputación au Palais Foral. Le directeur de la Filmothèque Basque présenta par surprise un film muet de 1937 où les Olaeta dansaient en France, costumés comme des enfants. Ces enfants, désormais âgées, ont improvisé une musique pour ces danses, et ils ont chanté en coeur sur les vieilles images qu’ils voyaient défiler pour la première fois.
L’Academia des Ballets Olaeta ouvre ses portes en 1948 dans la rue de Santamaría, deux ans plus tard, en 1950, elle s’installe définitivement dans la rue Ercilla, au numéro 11, où elle est en activité jusqu’à 2007, date à laquelle Víctor Olaeta décède.
Son piano qui accompagnait ses cours, son éducation basée sur le respect et l’amour pour la culture basque, la musique, la danse et le fameux « sourire Olaeta », (toujours le geste souriant même pendant l’effort), ont attiré, pendant des décennies plus de 10.000 élèves.
L’origine des Ballets Olaeta remonte à 1927 quand Segundo Olaeta crée le groupe Elai Alai à Gernika. Les « joyeuses hirondelles » est le premier groupe de danse basque. En partant de Gernika, le groupe arrive en France, et crée le groupe Oldarra ; ses spectacles deviennent de plus en plus professionnels et c’est en 1948 que naît le groupe « Ballets Olaeta », lequel se produit pour la première fois au Liceo Guerniqués, ensuite au Teatro Lope de Vega de Madrid, et plus tard… Suivent 60 ans de représentations partout dans le monde.
Il faut observer les arguments et les musiques des grands ballets : « Coppelia », « Le Lac des cygnes », « Les Sylphides »… Pour Georges Balanchine ce sont les sources du Ballet Classique. Les Ballets Olaeta collaborent régulièrement avec l’ABAO, participant à des grands opéras comme « Le pêcheur de perles », « Lucrezia Borgia », et « La Gioconda » entre autres. Les Ballets Olaeta tissent des liens entre le folklore basque et le ballet classique, en innovant et créant ainsi le Ballet Basque.
Segundo Olaeta récupère l’Aurresku de Anteiglesia et les « ereglak », il crée le zortziko de San Miguel de Arretxinaga, sa musique et sa chorégraphie. Son successeur, Víctor Olaeta, qui depuis sa plus tendre enfance vit bercé par le folklore, incorpore ses connaissances acquises à l’Ecole Académique de Paris, mais également à Londres, et à New York aux ballets qu’il crée, en même temps qu’il acquiert une solide formation musicale lui permettant de se préparer afin d’entreprendre la création du Ballet Basque.
Parmi les créations chorégraphiques de Víctor Olaeta il faut souligner « Oinkarin » avec une musique de Jesús Guridi ; « Las Cuatro Estaciones », sur la partition de José Franco, et « Urbeltzeko Laminak », du Père Donosti.
Louis XIV, le Roi Soleil, crée en 1661 l’Académie Royale de Danse. Cette première formation académique de Ballet de l’histoire d’Europe est composée entre autres, par 16 dantzaris basques que le roi avait vus danser, l’année précédente lors de son mariage à Saint Jean de Luz. Le Ballet Classique est né dans la Cour française, stylisé, raffiné, avec les cinq positions de Beauchamps, la musique de Lully et les manières de l’Italie des Medicci.
C’est la première fois que les figures de la danse basque participent à l’évolution du ballet international. Ceci explique pourquoi dans le Ballet Classique apparaissent les pas suivants :
- Pas de Basque : il faut réaliser un rond de jambe en rond suivi d’un saut.
- Saut Basque : c’est un saut au cours duquel, le danseur tourne en l’air tout en gardant un pied sur l’autre genou.
Bien des années plus tard, au XX siècle, Segundo Olaeta a réalisé son œuvre autour de la danse: après avoir formé ses enfants conformément aux règles du ballet classique à Paris, en 1950, il ouvre, la première Academia de « Ballet Basque et Danses Classiques » où il fusionne le folklore basque, en le stylisant et en l’harmonisant, avec le ballet classique. Ses tournées autour du monde, (France, Canada, et Etats-Unis), durant les années 50 et 60 ainsi que ses nombreuses représentations dans les meilleurs théâtres et télévisions resteront à jamais les témoins de sa formidable contribution.
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